Istanbul - nouveau carrefour international de la mode
Les efforts déployés tendant à faire d’Istanbul une grande capitale de la mode et reconnue comme telle portent leurs fruits. La Turquie est devenue le 5e exportateur mondial de textile – le second fournisseur de l’Europe – et les créateurs et stylistes turcs émergent désormais sur la scène internationale, révélés par les nombreux événements mode de l’année organisés dans les plus beaux palais d’Istanbul.
Signe parmi d’autres d’une évolution qui ne trompe pas : au cours de l’été 2009, la mégapole turque accueillait la première édition des Istanbul Fashion Days. Suivi de près par la presse fashion et lifestyle d’Istanbul, Paris, Londres ou Milan, cet événement mode réunissait des marques et des stylistes émergents, des kyrielles de nouveaux talents originaires d’Istanbul et de la scène turque, et impressionnait par la qualité de ses défilés. Un an plus tard, Istanbul rayonnait un peu plus encore en devenant la « Capitale européenne de la Culture 2010 » et la scène mode fut alors, une fois de plus, mise en avant.
UNE INDUSTRIE TEXTILE EN PLEINE FORME
Nulle surprise à ce que les Fashion Days aient été lancés, alors, par la puissante Association des exportateurs turcs de prêt-à-porter et de textile (ITKIB) : les fabricants de textile turcs (experts en soie, coton et laine) se sont développés au cours des deux dernières décennies au point de se hisser dans le Top 5 des premiers producteurs mondiaux – avec une forte prédominance dans la production des tissus de coton. En 2018, l’industrie textile turque a accumulé un carnet de commandes de 9 milliards de dollars US. Rien qui ne tienne du hasard. La Turquie et l’ancienne puissance ottomane ont toujours été, en vérité, un empire du textile et de l’habillement. La Turquie reprend en fait, au fil du temps, ses positions d’antan.
Avec toutefois une nuance de taille – et de taille XXL : depuis également une dizaine d’années, avec l’évolution des mœurs et en parallèle de la croissance économique, du pouvoir d’achat et des réseaux sociaux, la scène mode turque s’est ouverte et modernisée, hors des sentiers traditionnalistes, pour épouser, avec succès, les grands courants de mode internationaux. La rue, dans Istanbul, a vu apparaître toutes les déclinaisons du streetwear et surtout du urban chic – grande tendance locale – pour sorties en couple, événements artistiques et culturels ou soirées glamour, à mi-chemin entre style décontracté et prêt-à-porter Homme et Femme. Les jeunes créateurs turcs sont toujours plus nombreux à être invités à faire leurs preuves sur les salons et catwalks des capitales de la mode.
VOGUE ET GLAMOUR LANCÉS EN TURC
Dix ans après le lancement des Fashion Days, la scène mode d’Istanbul s’est sophistiquée. En témoigne encore le lancement, en 2019, de Fashionable Istanbul auquel ont participé des marques et stylistes locaux établis, des VIP, comme la top-model israélienne Bar Refaeli (qui présidait l’événement) et de célèbres créateurs et couturiers internationaux, parmi lesquels, aussi, un invité d’honneur, l’Italien Roberto Cavalli – qui avait inauguré sa première boutique à Istanbul en 2003. Signe des temps, plusieurs grands noms ont rejoint les défilés du premier Fashionable Istanbul tels que Vivienne Westwood, Salvatore Ferragamo, Missoni (avec la présence d’Angela Missoni) ou encore Gianfranco Ferré – les relations entre la Turquie et l’Italie, très proches, tenant du pont entre l’Orient et l’Occident. Des événements souvent organisés dans les plus beaux lieux historiques et palais de la ville – en témoigne aussi le défilé de mode organisé par IFA Paris au printemps 2019 dans la citerne romaine de Theodose II ou Serefiye Sarnici.
L’avènement de la Mercedes-Benz Fashion Week Istanbul (1), organisée deux fois par an et s’adressant au même public que les Fashion Week de Paris, Milan, New-York ou Shanghai, marque encore la consécration de la ville d’Istanbul, vue de plus en plus comme au confluent des influences des cultures créatives d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Une pléiade de 41 créateurs avait présenté leurs collections lors des 28 défilés organisés durant l’édition 2019, en présence de 5000 journalistes et influenceurs venus du monde entier. Si la première édition 2020 n’a pu avoir lieu, crise du Covid-19 oblige, sa promotion se poursuit online et via divers événements digitaux en attendant sa tenue prochaine.
Rassemblant styles distincts et vêtements innovants, Istanbul, ville vue comme le nouveau point de rencontre insolite et branché, s’affirme clairement comme une nouvelle capitale internationale du style, de la mode et du luxe. Une tendance qu’illustre, ces dernières années, le lancement de l’édition turque de Vogue (en 2010) ou encore de Glamour (en 2016). Les créateurs turcs s’expatriaient auparavant à Londres (comme Hussein Chalayan) ou à Paris. Ils sont aujourd’hui de retour à Istanbul et guère nombreux à tenter l’aventure ailleurs, à part quelques grands noms bien établis comme la belle maison de haute couture Dice Kayek, dont la fondatrice est basée à Paris.
La force de l’industrie textile turque, reconnue aujourd’hui mondialement pour sa qualité (elle s’est hissée au rang de deuxième partenaire de l’Union européenne derrière la Chine), explique aussi la force nouvelle des stylistes turcs et créateurs stambouliotes dans les motifs – comme Arzu Kaprol, Ece Özalp ou le façonnier Desa qui collabore avec Prada, Miu Miu ou Burberry –, les matériaux, les imprimés. Comme s’ils étaient soudains à la pointe d’une nouvelle garde !