Interview avec Avgousta Theodoulou, diplômée du Bachelor Stylisme Modélisme
Publié le 15/06/2017
« Prix de la meilleure Nouvelle Styliste 2017 » lors de la Athens Xclusive Designers Week, Prix Bronze au Concours International de Design de Mode Chine 2016 : tout semble sourire à la styliste et créatrice originaire de Chypre Avgousta Theodoulou. Entretien spécial.
Vous êtes née à Avgorou, à Chypre avant de vivre plus tard en Grèce. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre enfance et votre adolescence ? Et sur vos études alors ?
Avgousta Theodoulou : Je suis née et j’ai grandi dans un village appelé Avgorou à Chypre. J’étais une enfant très timide et sensible. Je me souviens avoir passé du temps seule, pas avec d’autres enfants. Au lieu de jouer à mes jeux, j’ai commencé à apprendre le crochet. J’avais 8 ans. Une vieille femme vivant dans notre quartier m’a appris comment en faire. Le crochet est très traditionnel dans mon pays. À cette époque, presque toutes les femmes de plus de 50 ans en connaissaient les bases. Adolescente, je suis devenue moins timide. J’avais plus d’amis et passais du temps avec eux. Au lycée, j’avais de bons résultats, mais expérimentais peu de nouvelles activités en dehors des cours. Cependant, parfois, je cherchais d’autres moyens de m’exprimer, avec la poésie ou l’artisanat. Après le lycée, je suis partie vivre en Grèce pour étudier l’informatique à l’université de Ioannina où j’ai obtenu un bachelor et un master. Puis, j’ai travaillé jusqu’en 2013 comme professeur d’informatique à différents niveaux d’éducation. J’ai vécu douze ans en Grèce.
Avgousta Theodoulou Collection A/H 2017
D’être douée en informatique et en technologies vous a-t-il aidé dans votre approche comme créatrice de mode ?
Avgousta Theodoulou : Certainement. D’avoir un diplôme universitaire, outre d’acquérir de nouvelles connaissance, vous rend plus mature. D’avoir été tutrice informatique, des années, m’a rendue plus exigeante. L’étude de l’informatique m’a rendu plus confiante dans le maniement des ordinateurs et des applications. Durant mes études de mode, j’ai dû néanmoins réapprendre, de zéro, à manier l’informatique pour présenter mes idées. Je n’ai d’ailleurs pas encore mis à profit ces connaissances comme styliste, mais j’essaierai, car l’informatique est de plus en plus présente dans le processus de création des vêtements, les technologies innovantes se multipliant. Néanmoins, je crois que le meilleur mariage du processus de création traditionnel et de toute technologie sophistiquée ne peut se produire qu’après que tout artiste a réalisé l’énorme potentiel de ses deux mains. Et c’est la route que j’ai choisie.
Avgousta Theodoulou
Quand et comment avez-vous découvert la mode ? Qu’est-ce qui vous a attiré au point de décider de vous tourner vers ce secteur ?
Avgousta Theodoulou : Plus jeune, je regardais les défilés, mais sans accorder plus d’attention que cela aux marques, aux grandes maisons de mode et à leur histoire. J’étais d’abord fascinée par les vêtements et leurs détails. Je ne rêvais pas, alors, de devenir styliste ; je n’ai jamais ressenti l’intérêt de mieux connaître la vie des créateurs ni de les relier à leurs collections. Je concevais simplement les vêtements comme des créations uniques. Plus tard, à l’université, j’ai mis de côté la part de création en moi afin de ne pas perturber ma vie académique. Mais dès que j’ai repris l’enseignement, j’ai recommencé à faire du crochet, en essayant de l’adapter aux accessoires modernes. Beaucoup d’amis m’ont encouragé à promouvoir mon travail ; j’ai alors commencé à vendre mes créations, des accessoires faits main, à un petit magasin à Ioannina. À partir de ce moment, j’ai expérimenté différents types de techniques (macramé, le travail avec les perles et les accessoires en crochet). J’ai acheté une machine à coudre et j’ai fait mes premiers vêtements. La satisfaction que j’avais à chaque fois que je créais quelque chose était indescriptible. J’étais fière de ce que je faisais. Mais malgré ma satisfaction, j’envisageais toujours le crochet comme un hobby ou travail secondaire. Ceci jusqu’à ce que Argyris, mon mari, trouve un emploi à Paris en 2013... J’aimais mon travail en tant que professeure et déménager en France sans parler français signifiait que je devais aussi changer d’orientation dans ma carrière. Je me suis rendue compte que cela pourrait être un appel à poursuivre ma passion pour la création et à apprendre davantage sur la mode, Paris étant l’un des carrefours de la mode les plus célèbres. J’ai ainsi déménagé à Paris, à 31 ans, pour étudier ma passion à IFA Paris.
Ensuite, vous avez suivi un Bachelor Stylisme Modélisme à IFA Paris. Que vous a-t-il apporté ? Est-ce que cela a changé votre vision des industries de la mode et du luxe?
Avgousta Theodoulou : J’ai été diplômée d’IFA Paris en 2016. Au cours de mes trois années d’étude à IFA Paris, j’ai vécu une vie complètement nouvelle. J’ai dû enfin apprendre les clés du métier, ce qu’il y avait derrière toutes ces marques de luxe et toutes ces créations que j’admirais depuis mon enfance ! Qui étaient-ils ? Comment étaient-ils devenus stylistes ? Quelles fautes avaient-ils commises ? Et bien sûr, je voulais connaître tout le travail acharné et les difficultés cachées derrière les lumières du succès. Étudier à IFA Paris et rencontrer des gens de différents pays, des personnes ayant des compétences et des antécédents différents, a été l’une des expériences les plus importantes pour moi. Cela vous fait comprendre les autres mais aussi vous-même : qui vous êtes, ce qui vous rend vraiment spécial et unique. De plus, vous vous rendez compte de la compétitivité du secteur et à quel point il est difficile de réussir lorsqu’il y a tellement de gens talentueux.
Avgousta Theodoulou Collection A/H 2017
Vous avez reçu le titre de “Best New Designer Award” lors de la Athens Xclusive Designers Week 2017. Félicitations! Après un second prix obtenu en Chine, à Keqiao, le Prix Bronze du Concours International de Design de Mode Chine 2016. Ces titres vous ont-ils permis de progresser ?
Avgousta Theodoulou : En effet, ces derniers mois, beaucoup de choses se sont passées. Beaucoup de travail, peu de sommeil, des voyages, et deux prix qui ont marqué un bon début pour moi. Je suis très heureuse de voir mon travail, qui a pris beaucoup de temps et d’énergie, attirer ainsi l’attention et profiter de la reconnaissance des concours de deux pays. Ce genre de reconnaissance me donne davantage de confiance et de courage pour continuer. Un travail acharné peut vous aider à réaliser des choses que vous n’aviez jamais imaginées. Mais après chaque étape réussie, je deviens aussi plus exigeante avec moi-même et essaie de ne pas décevoir ceux qui croient en moi – et pourquoi ne pas les surprendre positivement avec mieux ? Chaque nouveau projet, pour autant, est une nouvelle histoire. Je me sens incertaine au début. Il faut longtemps, des épreuves et de nombreuses déceptions pour me convaincre que je suis sur la bonne voie. Je crois que cette incertitude est ce qui mène mon expérimentation et m'aide à améliorer mes idées.
Avgousta Theodoulou Collection A/H 2017
Il semble que vos créations soient fortement inspirées de la culture et des traditions de Chypre. J’ai lu qu’à un moment donné, vous avez été très inspirée par le costume appelé vraka ?
Avgousta Theodoulou : J’aime m’inspirer en effet de tout ce qui me concerne et aussi de la culture et des traditions chypriotes et grecques. Le vraka a été l’une des inspirations pour mon projet final de deuxième année à IFA Paris. Pour mon projet de fin d’études, je me suis inspirée de la mythologie grecque et du mythe de Dédale et Icare. Bien que mon inspiration trouve sa source à chaque fois dans différents éléments, nombre de détails sont écrits dans mon ADN, que j’aime réutiliser et faire évoluer sous différents angles.
Comment définissez-vous votre propre style ? Il semble extrêmement libre, poétique et artistique !
Avgousta Theodoulou : Vrai ! Je vois la mode d’un point de vue artistique, et cela me fait plaisir d’apprendre que vous percevez mes créations de cette façon. J’aime être libre d’expérimenter et de transformer le tissu à l’aide de diverses techniques en vue de donner de la texture et de la forme à mes vêtements. Les expérimentations me permettent de créer des dessins libres, au-delà des tendances. J’essaie de combiner aussi le luxe et l’art ! La qualité des tissus est très importante pour moi ; c’est un moyen de respecter le temps que je passe pour créer un vêtement, le corps qui le portera, et le contexte – le but n’étant pas de proposer une pièce que vous allez jeter peu de temps après l’avoir acquise.
Vous êtes sur le point de lancer votre marque éponyme. Comment cela se passe-t-il ? Comment définissez-vous vos objectifs ?
Avgousta Theodoulou
Avgousta Theodoulou : Ces derniers mois, depuis mon diplôme, j’ai concentré toute mon énergie dans la présentation de mon travail afin de permettre aux gens de le remarquer et d’espérer qu’il soit reconnu. J’ai postulé dans trois concours pour les nouveaux créateurs de mode et ai été admise à deux d’entre eux. En attendant, j’ai créé ma marque et lancé le site de ma marque www.avgoustatheodoulou.com. Tout cela, ce fut beaucoup de travail ! Surtout pour quelqu’un qui n’a pas d’équipe et a travaillé seule jusqu’à présent.
Quel est votre nouveau ou futur projet ?
Avgousta Theodoulou : Actuellement, je prépare ma collection S/S 18-19 pour la Semaine des designers Xclusive AXDW-Athènes en octobre. Certains acheteurs m’ont également contacté, alors j’espère être bientôt en mesure de produire davantage. De plus, j’aimerais organiser ou participer à un événement de mode à Paris dans les prochains mois. Dans le même temps, je recherche des personnes en vue de créer mon équipe et faire face à tous ces défis. Il doit s’agir de personnes dans lesquelles je peux avoir confiance et qui croient aussi, bien sûr, au potentiel de croissance de ma marque!
Pour plus d’informations sur le programme suivi par Avgousta Bachelor Stylisme Modélisme